Pause-tendresse: 32 saisons chez elle

Publié le par noellisart

J’ai fait sa connaissance en 1982. Au premier regard, je l’ai trouvée charmante avec ce petit air ancien que certains auraient qualifié de désuet. Habillée de blanc et de gris-colombe, elle s’entourait de dentelles, de velours suranné, de coussins de satin froissé. Elle portait son grand âge avec grâce et dignité.

Au printemps, dans le salon bleu, un immense bouquet de lilas s’épanouissait dans un vase Lalique et sur les rebords des fenêtres souriaient quelques modestes brins de muguet.

Elle affectionnait les oiseaux et les papillons et, à chaque été, on en voyait arriver de partout pour courtiser son parterre. Je me souviens aussi des abeilles qui, attirées par les effluves sucrées des confitures refroidissant sur la véranda, n’auraient jamais osé se servir de leur dard contre la main qui doucement les éloignait.


Jamais notre famille ne pourra effacer de sa mémoire ces après-midis d’automne, un peu fous, où chacun se laissait lourdement tomber dans son monticule de feuilles à peine amassées...en rêvant de la tarte aux pommes qui cuisait doucement dans son parfum de cannelle.

Et ce moment tant attendu dès la première neige...le Réveillon de Noël chez elle. Par sa seule présence, elle nous faisait revivre les fêtes d’antan avec les bas colorés remplis de surprises et le grand sapin décoré occupant fièrement un tiers du salon. Par la fenêtre, l’espace d’un moment magique, un rayon de lune transformait les flocons en minuscules diamants qui venaient se figer sur les carreaux en étoiles de glace.

Les enfants, un à un, se sont éloignés de sa chaude sécurité. Ils sont partis chercher ailleurs des défis à leur mesure. Quelques années plus tard, il me prit à moi aussi des envies de projets.

Un matin d’octobre, après mûre réflexion, je fis mes bagages et me séparai d’elle. Je suis sortie. J’ai descendu les marches de bois blanc. Après quelques pas dans l’allée, je me suis retournée une dernière fois pour imprimer son image dans ma mémoire.

Que d’importance cette vieille maison aura toujours dans notre vie. Elle nous
réconforta comme le giron d’une bonne grand-mère et nous servit de racine après tant de déménagements successifs.

Il y a de ces habitations qui ont une âme. Et même, lorsque mes enfants étaient encore petits, ils croyaient certaines nuits de vent entendre des soupirs...
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